• Comme je pense à toi à chaque moment de ma vie, je pense aux bons moments vécus avec toi mais aussi aux mauvais ; depuis quelques jours, un épisode vécu pendant ta maladie revient sans cesse me hanter. Peut-être l'écrire soulagera-t-il l'immense peine que j'ai à chaque fois que je me le remémore ?

    Début juin, tu n'as pas été opéré parce qu'un anesthésiste a demandé deux fois de suite les mêmes examens respiratoires et cardiaques et qu'avant d'avoir pu passer le deuxième examen respiratoire, tu as fait une récidive de l'embolie pulmonaire. Entre ton séjour forcé en réanimation et les hésitations des médecins sur la suite du traitement pour toi, un mois a passé.

    Un jour de début juillet, alors que la maladie avait eu le champs libre, l'oncologue t'annonce qu'on va tenter l'opération (un mois auparavant on te l'avait refusée) ; le chirurgien vient donc te voir pour t'expliquer les 3 alternatives qui se présenteront pendant l'opération :

    1°) il peut extraire la tumeur que tu as dans les os du bassin droit et placer, comme prévu à l'origine, des prothèses ou faire des greffes ; cette solution serait suivie d'un long séjour en maison de rééducation.

    2°) la tumeur est mal placée ou mal étendue et là, il faut amputer tout le côté droit, jambe et hanche comprise ; mais après, aucune solution de prothèse.

    3°) la tumeur a pris trop d'ampleur et il n'y a plus rien à faire ; il referme tel quel.

    Après son départ, on a beaucoup parlé ; déjà de la première solution parce qu'on voulait croire à l'incroyable (les cures de chimio n'avaient pas eu l'effet escompté de stopper et de réduire la tumeur).

    Puis, on est passé à la deuxième solution ; tes inquiétudes ? comment allais-tu vivre avec une infirmité pareille ? comment allais-tu pouvoir t'asseoir ? et travailler ? et conduire ? pourrait-on adapter une voiture pour une personne atteinte d'un tel handicap ? Moi, je te rassurais car j'étais prête à tout : "Gilbert t'aime comme son fils ; lui et moi, on sera toujours là pour toi ; ne t'inquiète pas, tu sais bien que je suis un bouledogue et que je me battrai pour que tu obtiennes tout ce qu'il te faut qui te permettra de vivre une vie normale....". Je t'ai demandé ce que tu pensais de cette solution et tu m'as répondu : "je suis d'accord parce que je ne veux pas mourir à 25 ans".

    On n'a pas parlé de la troisième solution ; tu m'as simplement dit : "de toutes façons, je saurai à quoi m'en tenir si je me réveille avec les deux jambes" et c'est malheureusement ce qui s'est passé, la tumeur ayant pris trop de proportions et touchant de trop près d'autres centres tels que les intestins et la vessie.

    Je n'oublierai pas non plus le jour où tu devais aller en radiothérapie (les rayons étaient des soins palliatifs faits pour soi disant soulager tes douleurs) et où aucun brancardier n'était disponible pour t'y emmener. Avec un petit sourire crispé en coin, tu as dit à l'infirmière : "Et bien, pourquoi on ne m'y emmène pas sur un fauteuil roulant (tu savais que c'était impossible car la peau de ta cuisse et de ta hanche était tendue à craquer et tu ne pouvais plus t'asseoir depuis longtemps) ; dans les couloirs, je rencontrerai peut-être quelqu'un qui aura pitié de moi et qui m'achèvera ?" Mon coeur a hurlé ce jour-là.

    Il hurle encore souvent aujourd'hui, de douleur mais aussi de haine envers cet anesthésiste à l'air suffisant qui a décidé de surseoir à l'opération de début juin.



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